Présentation du
Rialc à la 3ème Conférence
internationale sur les bibliothèques numériques « Quels
contenus pour les bibliothèques numériques ? » 8 et 9 juin
2000 Bibliothèque
nationale de France, Petit auditorium Quai François Mauriac 75706 Paris cedex 13 Organisateur :
Bibliothèque nationale de France et New-York Public Library Rialc. Répertoire informatisé de l’ancienne
littérature catalane http://www.rialc.unina.it/ Directeur
Costanzo Di Girolamo (Università di Napoli Federico II) Comité scientifique
Lola Badia (Universitat de Girona), Lluís Cabré (Universitat Autònoma
de Barcelona), Miriam Cabré (Universitat de Girona), Anna Maria Compagna
(Università di Napoli Federico II), Xavier Renedo (Universitat de Girona),
Jaume Turró (Universitat de Girona), Marie-Claire Zimmermann (Université de Paris IV-Sorbonne) Rédaction
Massimiliano
Andreoli (Napoli), Claudio Franchi (Università di Messina), Aniello Fratta (Biblioteca
Universitaria, Napoli), Sadurní Martí (Universitat de Girona), Gemma Navarro
(Universitat de Girona) Projet Costanzo
Di Girolamo, Claudio Franchi Le Rialc :
une bibliothèque numérique dynamique Le Rialc est un projet financé par le Ministère italien de
l’université et de la recherche scientifique. Il est réalisé par l’Université Federico II de Naples, avec la collaboration de
l’Université de Gérone, de l’Université Autonome de Barcelone et avec la participation de chercheurs
d’autres universités. L’objectif du Rialc est la numérisation de toute la poésie catalane, lyrique et narrative, du XIVe et du XVe
siècle :
c’est-à-dire environ mille six cent textes au total. Parmi les œuvres les plus longues, on peut citer la traduction de la
Divine Comédie et une version de la Bible, comptant 27.654 vers. En 1999, nous avons complété le corpus de la poésie
lyrique ; celui de la poésie narrative sera, quant à lui, complété en 2001. Dans un futur plus lointain, le Rialc accueillera également des textes en prose. Rappelons-nous que le catalan est une variété de transition entres les groupes gallo-roman et ibéro-roman et
qu’il constitue à présent une des langues officielles de l’Espagne, où il est parlé en Catalogne, au Pays de Valence et aux
Baléares ; il est également parlé en Andorre, en France (dans le Roussillon) et en Italie (à
l’Alguer, en Sardaigne). La langue la plus proche du catalan, à l’époque médiévale aussi bien que moderne, est sans aucun doute
l’occitan : en effet beaucoup de textes du Rialc sont composés dans une langue très influencée par celle des troubadours occitans, au point que
l’on pourrait parler d’une koinè littéraire occitano-catalane. La poésie catalane médiévale constitue un corpus important et de grande
qualité : il est toutefois
encore assez peu connu. Peut-être suffira-t-il de citer les noms de Ramon Llull, de Corella,
d’Ausiàs March, certainement le plus grand poète lyrique du XVe siècle européen. Par ailleurs, la connaissance de la littérature catalane du Moyen Age est nécessaire à la compréhension et à
l’étude d’une autre grande littérature péninsulaire : la littérature espagnole. Il est peut être temps de revaloriser dans cette Europe nouvelle une grande culture minoritaire, du moins aussi peu
qu’aujourd’hui. * *
* La structure du site est très
simple. De la page Index on passe à la page Sommaire : celle-ci permet
d’aller à la Présentation, à l’Index des auteurs et des titres, aux Incipitaires et à la Bibliographie. Les textes sont disponibles directement à travers les Incipitaires ou à travers
l’Index des auteurs. De l’Index des auteurs, on accède à l’Incipitaire de chaque auteur et, de là, de nouveau aux textes. Les connexions hypertextes signalées en blanc dans la page Sommaire renvoient à des pages accessoires mais pas pour autant secondaires. La Bibliothèque du Rialc accueille des textes qui franchissent les bornes de la chronologie du répertoire et du domaine de provenance des poètes, mais qui font quand même référence à la culture et au cadre historique des Pays Catalans au moyen
âge : parmi les textes recueillis, le
Roman de Jaufré (10.974 vers), composé dans le sud de la France au XIIIe siècle. La page Affichage (Bacheca) signale les congrès de philologie catalane, et la page Sites apparentés propose une série restreinte de links utiles. La page Livres offre des comptes rendus ou de brèves fiches sur les livres et les revues de philologie
catalane : celle-ci, en plus
d’aider les chercheurs, fournit un service aux bibliothèques. Nous souhaitons que dans quelque temps cette page devienne une véritable revue en ligne
et
qu’elle accueille, outre les comptes rendus, des articles.
1) textes disponibles dans de bonnes éditions
critiques ; 2) textes disponibles dans des éditions critiques
médiocres ; 3) textes disponibles dans de mauvaises éditions
critiques ; 4) textes inédits. Nous avons utilisé le premier type de textes (les bonnes éditions) grâce à la générosité des éditeurs. Nous devons dire que
jusqu’ici nous n’avons eu aucun problème de copyright : tous semblent avoir compris la portée du projet. Les éditions critiques médiocres ont été contrôlées et corrigées sur les manuscrits. Les textes du troisième et du quatrième type (mauvaises éditions et textes inédits) ont été édités
ex novo. Cela veut dire
qu’un certain nombre de ces textes (souvent les plus difficiles) a été publié pour la toute première fois et
qu’une partie importante de ces textes, édités mais inaccessibles, a été remise en circulation. Toutes les nouvelles éditions et les révisions sont accompagnées
d’apparats critiques. En outre, nous avons eu la possibilité d’utiliser des éditions en cours de publication, ce qui a permis, encore une fois grâce à la générosité des éditeurs,
d’anticiper leur diffusion. Tous les textes sont présentés avec des graphies uniformes, surtout en ce qui concerne les signes diacritiques. Nous rappelons que le problème de
l’hétérogénéité des graphies intéresse tous les textes médiévaux, pas uniquement catalans, et aussi une partie des textes postérieurs à
l’introduction de l’imprimerie. Par conséquent, en aucun cas les textes du Rialc peuvent être considérés comme des photocopies des éditions existantes, car même les bonnes éditions ont été revues et parfois corrigées, au besoin avec
l’accord des éditeurs. Une des objections possibles aux bibliothèques numériques pourrait être que
l’édition mise en ligne devienne l’édition standard, la version vulgate
d’une œuvre. C’est une objection fondée : c’est pourquoi, quand il est possible, nous introduisons plusieurs éditions
d’un même texte. Jusqu’ici, plus de 50 éditions sont présentes à double, et ce nombre augmentera prochainement. Nous fournirons par exemple trois éditions de
l’œuvre d’Ausiàs March. Comme nous l’avons dit, les textes sont regroupés sous chaque auteur. Cependant, beaucoup de textes sont liés les uns aux
autres ; ils font, par exemple, partie de cycles de poésie sur un même sujet, ou bien comme on les appelle, des poésies de
correspondance : un poète pose une question à un autre poète, qui répond
per le rime, c’est-à-dire avec les mêmes rimes que son interlocuteur. Dans tous ces cas, nous avons introduit des liens entre les textes, de manière, à ce que, en partant
d’un poète, on puisse aisément passer à un autre, ou à des autres. Il s’agit
d’un expédient élémentaire du langage hypertexte, d’une grande utilité dans notre cas, mais que nous
n’avons pas encore rencontré dans d’autres bibliothèques numériques. Dans les prochains mois, le corpus existant sera inséré dans un programme de concordances élaboré par Rocco Distilo de
l’Université de Messine. Ce programme est déjà actif pour le corpus des troubadours
occitans : dans le futur il sera étendu aux poètes catalans, aux troubadours galiciens-portugais, aux trouvères français et aux autres traditions poétiques dans le cadre
d’un projet de concordances en ligne organisé par l’Université de Rome La Sapienza. Les textes seront signalés avec les références de la
Bibliografia de textos catalans antics (Biteca), en voie de réalisation sous la direction de Vicenç Beltran et Gemma Avenoza. La Biteca a été accueillie au sein du Philobiblon, dirigé par Charles Faulhaber de
l’Université de Californie à Berkeley. Il sera possible de passer de n’importe quelle page du Rialc à la page correspondante de la Biteca, qui contient la liste et la
description des manuscrits, ainsi que la bibliographie, et vice versa. Des épreuves de connexion ont déjà été activées. * *
* Quelques mots, à présent, sur la spécificité de notre projet. Comme vous
l’aurez compris, le Rialc est à la fois un projet philologique et un projet informatique. Sa finalité ne consiste pas seulement dans la préparation
d’une banque de données pour des recherches lexicales, ni dans la réalisation
d’une simple bibliothèque numérique. Il consiste avant tout en la mise au point philologique
d’un vaste corpus textuel. Cette exigence se fait particulièrement urgente pour le catalan, pour des raisons qui concernent
l’histoire des études catalanes ; mais on pourrait dire la même chose pour la plupart des littératures médiévales, même en ce qui concerne la littérature française ou
occitane : en effet la plupart des éditions devrait être revue ou refaite. Le Rialc pourrait constituer un modèle
d’utilisation du réseau en vue d’une révision philologique du patrimoine culturel européen qui est aux origines de la modernité. Un tel objectif
n’est réalisable qu’à certaines conditions. La première condition est de faire tomber les barrières entre le philologue et
l’informaticien : le philologue doit pouvoir accéder à la production informatique et agir en première personne sans rien devoir déléguer au technicien. Cet élément nous permet de bâtir une bibliothèque numérique à la façon
d’un organisme vivant, ce qui se distingue de manière radicale des bibliothèques traditionnelles. Il est entendu que chacun des deux types de bibliothèques a sa spécificité et ses raisons
d’être, mais les bibliothèques numériques doivent utiliser au maximum les ressources potentielles du système. Vous comprendrez mieux le caractère pour ainsi dire artisanal de notre site, créé et géré par deux ou trois philologues sans aucune aide de structures techniques externes, si ce
n’est la consultation occasionnelle de quelques amis plus experts. Ce n’est pas à nous de juger les qualités esthétiques et fonctionnelles ou
l’inélégance des résultats. Une autre condition essentielle à la création de bibliothèques numériques rigoureusement scientifiques est que la remise
en question des droits d’auteur des éditions des textes anciens : chacun a le droit de lire la
Divine Comédie ou le Roman de la Rose dans de bonnes éditions mise à jour. Ces problèmes ont empêché par exemple la publication sur disque du corpus des troubadours occitans. Il
s’agit des mêmes problèmes qui touchent les arts : nous sommes libres de photographier la Cathédrale de Notre-Dame, mais pas
la Joconde ou un manuscrit de la BnF. Il se pourrait que dans le futur il faille aussi payer pour photographier Notre-Dame et, pourquoi pas, des oeuvres de la nature comme le Vésuve à Naples. En ce qui concerne les textes littéraires,
c’est tout plus simple. L’utilisation d’une édition critique n’inclut pas la reprise du commentaire et de toutes les autres parties du livre. Nous croyons que les philologues, les bibliothécaires et les informaticiens devraient lancer une campagne pour la libéralisation des
éditions : la
Divine Comédie appartient à Dante et à l’humanité, non aux derniers philologues qui
l’ont restaurée, ni à la dernière maison d’édition qui l’a imprimée.
C’est uniquement à ces conditions que des projets de bibliothèques numériques comme le Rialc pourront voir le jour. Nous devons également souligner que les bibliothèques numériques réalisées
jusqu’ici sont des incunables par rapport à ce qu’elles pourraient devenir dans
l’avenir. Sans nous en rendre compte, nous assistons peut-être à une révolution
d’une portée encore supérieure à celle qui marqua le passage du livre manuscrit à la Galaxie Gutenberg. Le Rialc est, sans aucun doute, un site savant, qui concède assez peu
d’espace à la vulgarisation. Il est cependant facile d’envisager des adaptations possibles pour
l’école des Pays Catalans et pour le public international. À partir du site
original, il serait possible de créer des sites plus petits, contenants un choix de textes commentés ou accompagnés de traductions en
d’autres langues. Le site est intégralement en
italien : nous croyons
qu’il ne contient pas même un mot en anglais (peut être l’expression work in
progress, une fois). Ce choix est dû à diverses raisons, avant tout pratiques. Les Italiens, comme les Français,
n’ont pas une grande affinité avec les langues étrangères : il nous était plus facile et plus rapide de créer un site en italien. Par ailleurs, le but
n’était pas d’envoyer en ligne une nouvelle langue pidgin (internet en est déjà sature). En second lieu, nous avons eu des doutes quant à
l’opportunité de privilégier sans cesse les langues dominantes, ou plutôt la langue
dominante. Enfin, dans la communauté scientifique à laquelle nous nous adressons,
c’est-à-dire celle des philologues romans, l’italien est bien diffusé et parfaitement compris. Pour la future revue en ligne, toutes les langues romanes, ainsi que
l’allemand et l’anglais, seront acceptées. * *
* Nous avons donc parlé
d’une bibliothèque numérique comme d’un organisme vivant. À ce propos nous souhaiterions tracer, en guise de conclusion, une distinction théorique entre deux types de bibliothèques numériques. Le premier type est constitué par les bibliothèques qui se servent du réseau pour permettre la lecture de textes qui sont déjà imprimés. Les textes sont reproduits sans modifications et sans contrôles, à partir
d’éditions existantes ; il est d’ailleurs fréquent que l’édition d’origine ne soit même pas indiquée. En effet, il faudrait se rappeler que même les œuvres de Cervantes, de Shakespeare ou de Stendhal peuvent varier
d’une édition critique à une autre en certains détails, qui ne sont pas secondaires. Une fois introduits, les textes ne sont plus modifiés. Ces bibliothèques numériques ont pour but de se substituer aux bibliothèques
traditionnelles ; leur fonction est essentiellement vulgarisatrice, mais elles peuvent également servir (si elles sont utilisées avec prudence) pour des travaux de recherche ou de didactique. Leur utilité est
indiscutable :
l’accès aux œuvres est rapide et économique, il peut se faire à partir de
n’importe quel ordinateur connecté dans le monde. Nous appelons ces bibliothèques des bibliothèques numériques statiques. Un genre particulier de bibliothèques statiques est constitué par les bibliothèques
d’images : le livre imprimé ou manuscrit est reproduit page par page dans le format image. Ce type de bibliothèques, qui se substituera aux vieux systèmes des microfilms et des photocopies, est essentiel pour la protection et la consultation à distance du patrimoine du livre et il est particulièrement recommandable pour les manuscrits et les livres rares. La seconde catégorie de bibliothèques numériques englobe toutes les finalités et les modalités
d’utilisation du premier type, sauf que le but de la vulgarisation est subordonné à celui de la recherche. Dans ce type de bibliothèques, toutes les éditions sont
déclarées ; les textes sont contrôlés et corrigés, autrement dit améliorés par rapport aux éditions
imprimées ; toutes les interventions sont justifiées. Par ailleurs des nouvelles éditions, ou plusieurs éditions pour le même texte, ou encore des éditions de textes inédits sont
proposées ; toute la communauté scientifique du secteur participe directement au
projet ; les éditions publiées sur le réseau peuvent précéder les éditions imprimées. En outre, le caractère fondamental de ce second type de bibliothèques est que le corpus est ouvert aux corrections continues et même à la révision radicale. Nous appelons ces bibliothèques des bibliothèques numériques dynamiques. Bien entendu, une bibliothèque numérique dynamique peut également contenir en son sein une bibliothèque
d’images : par exemple, les textes édités peuvent être accompagnés de la reproduction de manuscrits et
d’éditions antiques. En effet, en substituant le plan métaphorique qui est normalement utilisé sur le réseau,
c’est à dire le plan topographique-spatial, par un plan métaphorique de type biologique, nous pouvons parler, dans le cas du Rialc,
d’un organisme textuel dynamique, qui serait en mesure de croître, de se transformer et de voir
s’inscrire dans son propre corps (ou corpus) la réalité externe à soi, qui dans notre cas est représentée par la recherche philologique pure, par les transformations technologiques et par
l’interaction entre celles-ci. Ceci permettrait de mettre en place des paradigmes différents pour la construction de
l’institution textuelle. En résumé, une bibliothèque numérique dynamique peut résoudre quelques taches auxquelles aucune maison
d’édition, aucune collection de classiques, aucune revue savante, ne pourra jamais faire
face : à savoir, la mise à jour continue du patrimoine textuel. Avec les bibliothèques dynamiques, la philologie trouve dans internet un instrument puissant, qui peut être utilisé au maximum de ses possibilités au service de la recherche, de
l’enseignement et de la culture.